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HISTOIRE DE MA VIE 367

denvindé leur secret pour pécher ainsi sans scrupule con- tre leur propre conviction, et chacune nie l'a expliqué à sa manière, ce qui fait que je ne suis pas plus avancée qu'au- paravant.

Je ne comprends pas non plus certains hommes qui croient de bonne foi à l'excellence de toutes les prescrip- tions catholiques, qui en défendent le piincipe avec chaleur, et qui n'en suivent aucune. Il me semble que si je croyais tel acte meilleur que tel autre, je n'hésiterais pas à l'ac- complir. Il y a plus, je ne me pardonnerais pas d'y man- quer. Cette absence de logique chez les personnes que je sais intelligentes et sincères est quelque chose que je n'ai jamais pu ni'expliquer. Cela s'éclaircira peut-être pour moi quand je repasserai mes souvenirs avec ordre, ce qui m'arrivera certes pour la première fois de ma vie en les écrivant, et je pourrai analyser la situation de l'âme aux prises avec la foi et le doute, en me rappelant comment je devins dévote et comment je cessai de l'être.

A sept ou huit ans je sus à peu près ma langue. C'était trop tôt, car on me fit passer tout de suite à d'autres études et on négligea de me faire approfondir la grammaire. On me fit beaucoup griffonner, on s'occupa de mon style, mais on ne m'avertit qu'incidemment des incorrections qui s'y glissaient peu à peu, à mesure que j'étais entraînée par la facilité de m'exprimer. Au couvent, il fut entendu que je savais assez de français pour qu'on ne me fît pas suivre les leçons des classes, et, en effet, je me tirai fort bien, à l'épreuve, des faciles devoirs distribués aux élèves de mon âge; mais plus tard, quand je me livrai à ma propre rédaction, je fus souvent embarrassée. Je dirai comment, au sortir du couvent, je rappris moi-même le français, et comment douze ans plus tard, lorsque je vou- lus écrire pour le public, je m'aperçus que je ne savais encore rien; comment j'en fis une nouvelle étude qui,