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lilSlOlRE DE MA VIE 363

J'apprenais la grammaire avec Descliartres et la nmsique avec ma grancrmère. Ma mère me faisait lire et écrire. On ne me parlait d'aucune religion, bien qu'on me lit lire l'histoire siinte. On me laissait libre de croire et de rejeter à ma guise les miracles de l'antiquité. Ma mère me faisait dire ma prière à genoux à côté d'elle, qui n'y manquait pas, qui n'y a jamais manqué. Et même c'étaient d'assez longues prières, car, après que j'avais fini les miennes et que j'étais couchée, je la voyais encore à genoux, la figure dans ses mains et profondément absorbée. Elle n'allait pourtant jamais à confesse et faisait gras le vendredi : mais elle ne manquait pas la messe le dimanche, ou, quand elle était forcée de la manquer, elle faisait double prière : et quand ma grand'mère lui demandait pourquoi elle pratiquait ainsi à moitié, elle répondait : « J'ai ma religion ; de celle qui est prescrite, j'en prends et j'en laisse. Je ne peux pas souffrir les prêtres, ce sont des ca- fards, et je n'irai jamais leur confier mes pensées qu'ils comprendraient tout de travers. Je crois que je ne fais pas du mal, parce que si j'en fais, c'est malgré moi. Je ne me corrigerai pas de mes défauts, je n'y peux rien ; mais j'aime Dieu d'un cœur sincère, je le crois trop bon pour nous punir dans l'awtre vie. Nous sommes bien assez châtiés de nos sottises dans celle-ci ; j'ai pourtant grand'peur de la mort, mais c'est parce que j'aime fa vie et non parce que je crains de comparaître devant Dieu, en qui j'ai con- fiance et que je suis sûre de n'avoir jamais offensé avec intention. — Mais que lui dites-vous dans vos longues prières ? — Je lui dis que je l'aime, je me console avec lui de mes chagrins et je lui demande de me faire retrouver mon mari dans l'autre monde. — Mais qu'allez-vous faire à la messe? vous n'y entendez goutte. — J'aime à prier dans une église ; je sais bien que Dieu est partout, mais dans l'église je le vois mieux, et cette prière tu commun