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dans la mesure de mon tempéramenf, qui était moins fou- gueux. Un jour que nous avions vu tuer un cochon gras dans la basse-cour, Hippolyte s'imagina de traiter comme tels les concombres du jardin. Il leur introduisait une petite brochette de bois dans l'extrémité qui, selon lui, représen- tait le cou de l'animal; puis, pressant du pied ces malheu- reux légumes, il en faisait sortir tout le jus. Ursule le recueillait dans un vieux pot à fleurs, pour faire le boudin, et j'allumais gravement un feu fictif à côté, pour faire griller le porc, c'est-à-dire le concombre, comme nous l'avions vu pratiquer au boucher. Ce jeu nous plut tellement que, passant d'un concombre à un autre, choisissant d'abord les plus gras^ et finissant par les moins rebondis, nous dévas- tâmes lestement une couche, objet des sollicitudes du jar- dinier. Je laisse à penser quelle fut sa douleur quand il vit celte scène de carnage. Hippolyte, au milieu des cadavres, ressemblait à Ajax immolant dans son délire les troupeaux de l'armée des Grecs. Le jardinier porta plainte, et non? fûmes punis; mais cela ne fit pas revivre les concombres, et on n'en mangea pas cette année-là.

Un autre de nos méchants plaisirs était de faire ce que les enfants de notre village appellent Aes trompe-chien. Cesl un trou que l'on remplit de terre légère délayée d'ans de l'eau On le recouvre avec de petits bâtons sur lesquels on place des ardoises et une légère couche de terre ou de feuilles sèches, et quand ce piège est établi au milieu d'un chemin ou d'une allée de jardin, on guette les passants et on se cache dans les buissons pour les voir s'embourber, en voci- férant contre les gamins abominables qui s'inventent de pareils tours <. Pour peu que le trou soit profond, il y a

1. Le Berrichon a le goût des verbes réfléchis. Il dit : « Cet homme ne sait pas ce qu'il se veut ; il ne sait quoi se faire ni «'inventer.»