Page:Sand - Histoire de ma vie - tome 2.djvu/365

Cette page n’a pas encore été corrigée

HISTOIRE DE MA VIE 355

loi contre le sacrilège ils aient réussi à faire aimer la religion. Je ne tracasse personne et ne me laisse guère tracasser non plus. Je n'aime pas l'eau dans le vin et ne furce personne à en mettre. Si rarclievéque n'est pas content, qu'il le dise, je lui répondrai, moi! Je lui montrerai qu'on ne fait pas marcher un homme de mon âge comme un petit séminariste, tt s'il m'ôtc ma paroisse, je n'irai pas dans une autre. Je me retirerai chez moi; j'ai huit ou dix mille francs de placés, c'est assez pour ce qui me reste de temps à vivre, et je me moquerai bien de tous les archevêques du monde. »

En effet, l'archevêque étant venu donner la confirmation à Saint-Chartier, et déjeunant chez le curé avec tout son état-major, monseigneur voulut plaisanter son hôte, qui ne se laissa pas faire. « Vous avez quatre-vingt-deux ans, monsieur le curé, lui dit-il, c'est un bel â^e! — Oui-da, monseigneur, répliqua le curé, qui ne se faisait pas faute de quelques liaisons hasardées dans le discours , vous avez beau z'êlre archevêque, vous n'y viendrez peut-être point l » — L'observation du prélat voulait dire au fond : « Vous voilà si vieux que vous devez radoier, et il serait temps de céder la place à un plus jeune. » Et la réplique signi- fiait : « Je ne la céderai point que vous ne m'en chassiez, et nous verrons si vous oserez faire cette injure à mes cheveux blancs. »

A ce même déjeuner, vers le dessert, comme l'arche- vêque devait venir dîner chez moi, le curé, apostrophant mon frère, qui était à côté de lui, et croyant lui parler tout bas, lui cria en vrai sourd qu'il était : « Ah ça, em- menez-le donc et débarrassez- moi de tous ces grands mes- sieurs-là, qui me font une dépense de tous les diables et qui mettent ma maison sens dessus dessous. J'en ai prou, et grandement plus qu'il ne faut i)0ur savoir qu'ils man- gent mes perdrix et mes poulets tout en se gaussant de