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HISTOIRE DE MA VIE 349

ces noms frappèrent mes oreilles en I8H, ce fut pour la première fois de ma vie.

Ces commérages ne nous suivaient pas à Noliant, si ce n'est dans quelques lettres que ma grand'mère recevait de ses nobles amies. Elle les lisait tout haut à ma mère, qui haussait les épaules, et à Deschartres, qui les prenait pour paroles d'Évangile, car l'empereur était sa bète noire et il le tenait fort sérieusement pour un cuistre.

Ma mère était comme le peuple, elle admirait et adorait l'empereur à cette époque. Moi, j'étais comme ma mère et comme le peuple. Ce qu'il ne faut jamais oublier ni mé- connaître, c'est que les cœurs naïvement attachés à cet homme furent ceux qu'aucune reconnaissance personnelle el aucun intérêt matériel ne lièrent à ses désastres ou à sa fortune. Suuf de bien rares exceptions, tous ceux qu'il avait comblés furent ingrats. Tous ceux qui ne songèrent jamais à rien lui deir^nder lui tinrent compte de la gran- deur de la France.

Je crois que ce fut cette année-là ou la suivante qu'Hip- polyte fit sa première communion. Notre paroisse étant supprimée, c'est à Saint-Chartier que se font les dévotions de Nohant. Mon frère fut habillé de neuf ce jour-là. Il eut des culottes courtes, des bas blancs et un habit-veslc en drap vert billard. Il était si enfant que cette toilette lui tournait la tête, et que s'il réussit à se tenir sage pendant quelques jours, ce fut dans la crainte, en manquant sa première communion, de ne pas endosser ce costume splendide qu'on lui préparait.

C'était un excellent homme que le vieux curé de Saint- Chartier, mais dépourvu de tout idéal religieux. Quoiqu'il eût un de devant son nom, je crois qu'il était paysan de naissance, ou bien, à force do vivre avec les paysans, il avait pris leurs façons et leur langage, à tel point qu'il pouvait les prêcher sans qu'ils perdissent un mot de son u- ai