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348 HISTOIRE DE 31A VIE

ainsi, en s'acharnant sur le cadavre de l'Empire vaincu et profané. s

La chambre à coucher de ma grand'mère (car, je l'ai dit, elle ne tenait pas salon, et sa société avait un caractère d'intimité soknnelle) fût devenue une de ces officines si, par son esprit et son grand sens, la maîtresse du logis n'eût fait de temps en temps ouvertement la part du vrai et du faux dans les nouvelles que chacun ou plutôt chacune y apportait; car c'était une société de femmes plutôt que d'hommes, et, au reste, il y avait peu de différence mo- rale entre les deux sexes, les hommes y faisant l'office de vieilles bavardes. Chaque jour on nous apportait quelque méchant bon mol de M. de Talleyrand contre son maître, ou quelque cancan de couhsses. Tantôt l'empereur avait battu l'impératrice, tantôt il avait arrraché la barbe du saint-père. Et puis il avait peur, il était toujours plastronné. Il fallait bien dire cela pour se venger de ce que personne ne songeait plus à l'assassiner, si ce n'est quelque intré- pide et fanatique enfant de la Germanie, comme Stabs ou la Sahla. Un autre jour, il était fou, il avait craché au visage de M. Cambacérès. Et puis son fils, arraché par le forceps au sein maternel, était mort en voyant la lumière, et le petit roi de Rome était l'enfant d'un boulanger de Paris. Ou bien, le forceps ayant déprimé son cerveau, il était infailliblement crétin, et l'on se frottait les mains, comme si, en rétablissant l'hérédité au profit d'un soldat de fortune, la France devait être punie par la Providence de n'avoir pas su conserver ses crétins légitimes.

Mais ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'au milieu de tous ces déchaînements sournois contre l'empereur, il n'y avait pas un regret, pas un souvenir, pas un vœu pour les Bourbons exilés. J'écoutais avec stupeur tous ces propos; jamais je n'entendis prononcer le nom des prétendants in- connus qui trônaient à huis clos on ne savait où, el quand