Page:Sand - Histoire de ma vie - tome 2.djvu/353

Cette page n’a pas encore été corrigée

HISTOIRE DE MA VIE â43

ment inné dans l'être humain qu'il faut à l'enfant quatre pieds carrés de terre pour qu'il aime réellement cette terre cultivée par lui, et dont l'étendue est proportionnée à si s forces. Cela m'a toujours fait penser que, quelque commu- niste qu'on put élrc, ou devait toujours reconnaître une propriété individuelle. Qu'on la restreigne ou qu'on i'é- teude dans une certaine mesure, qu'on la détinisse d'une manière ou d'une autre, selon le génie ou les nécessités des temps, il n'en est pas moins certain que la terre que l'homme cultive lui-même lui est aussi personnelle que son vêtement. Sa chambre ou sa maison est encore un vêtement, son jardin ou son champ est le vêtement de sa maison, et ce qu'il y a de remarquable, c'est que cette observation des instincts naturels qui constate le besoin de la propriété dans l'homme semble exclure le besoin d'une grande étendue de propriété. Plus la propriété est petite, plus il s'y attache, mieux il la soigne, plus elle lui devient chère. Un noble vénitien ne lient certainement pas à son palais autant qu'un paysan du Beriy à sa chaumière, et le capitaliste qui poistde plusieurs lieues carrées en letire infiniment moins de jouissances que l'artisan qui cultive une giroflée dans sa mansarde. Un avocat de mes amis disait un jour en riant à un riche client qui lui parlait à satiété de ses domaines : « Des terres? Vous croyez qu'il n'y a que vous pour avoir des terres I j'en ai aussi , moi, sur ma fenêtre, dans des pots à fleurs; tt elles me don- nent plus de plaisirs et moins de soucis que les vôtres. » Depuis, cet ami a fait un gros héritage ; il a eu des terres, des bois, des fermes, et des soucis pnr consé- quent.

En abordant l'idée communiste, qui a beaucoup do grandeur parce qu'elle a beaucoup de vérité, il faudrait donc commencer par distinguer ce qui est essentiel à l'exis- tence complète de l'individu de ce qui est essentiellement