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338 HISTOIRE DE MA VIE

pi d'un abricotier en fleur, si bien que le jour tombait lorsque nous montâmes dans une pataclie de louage, con- duite par un gamin de douze ou treize ans, et traînée par une pauvre haridelle très-efflanquée.

Je crois bien que notre automédon n'avait jamais tra- versé la Brande, car lorsqu'il se trouva à la nuit close dans ce labyrinthe de chemins tourmentés, de flaques d'eau et de fougères immenses, le désespoir le prit, et, aban- donnant son cheval à son propre instinct, il pous pro- mena au hasard pendant cinq heures dans le désert.

Je disais tout à l'heure qu'il n'y avait alors aucune habitation dans la Brande. Je me trompais, il y en avait une, et c'était le point de concours qu'il s'agissait de trouver dans la perspective, pour se diriger ensuite sur la vallée Noire avec quelque chance de succès. On appelait cette maisonnette la maison du Jardinier, parce qu'elle était occupée par un ancien jardinier du Magnier, roman- tique château situé à une lieue de là, à la lisière de la Brande et de la vallée Noire, mais dans une autre direction que celle de Nohant.

Or, la nuit était sombre, et nous avions beau chercher cette introuvable maison du Jardinier, nous n'en approchions pas; ma nière avait une peur afi"reuse que nous ne fussions tombés dans la direction et dans le voisinage des bois de Saint-Aoust, qu'elle redoutait fort, parce que, dans sa pensée, l'idée des voleurs élait infailliblement associée à celle des bois, n'eussent-ils eu qu'un arpent d'étendue.

Le danger n'était pas là. Outre qu'il n'y a jamais eu de brigands dans notre pays, le peu de voyageurs qui iVé- quentaient alors les chemins perdus de la Brande ne leur aurait pas promis une riche existence. Le véritable danger élait de verser et de rester dans quelque trou. Heureuse- ment celui que nous rencontrâmes vers le minuit était à sec ; il était profond et nous échouâmes dans le sable si