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336 HISTOIRE DE MA VIE

particulier sur eux dans cette période de temps. Je les voyais assez souvent, mais je ne sais plus où ils demeu- raient. Manière m'y conduisait et même quelquefois magrand'- mère, qui recevait d'eux et qui leur rendait de rares visites. Les manières franches et ouvertes de ma tante ne lui plaisaient pas beaucoup, mais elle était trop juste pour ne pas reconnaître l'amitié vraie qu'elle avait eue pour mon père, et les excellentes et solides qualités du mari et de la femme.

J'eus donc le plaisir de demeurer deux ou trois jours avec ma mère et Caroline, dans une intimité de tous les moments. Puis ma pauvre sœur retourna en pleurant à sa pension, où l'on mit, je crois, Clolilde avec elle pendant quelque temps pour la consoler, et nous partîmes.

Nous eûmes une aventure fort classique avant d'arriver à Nohant, et je la raconterai pour montrer combien l'état des routes et la physionomie du pays ont changé depuis une quarantaine d'années dans certaines parties de la France.

Entre Châteauroux et Nohant recommence une espèce de Sologne qui se prolonge jusqu'à l'entrée de la vallée Noire. C'est beaucoup moins pauvre et moins laid que la Sologne, surtout aujourd'hui que presque tous les abords de la route sont cultivés. D'ailleurs le terrain a quelque mouve- ment, et derrière les grandes nappes de bruyère on retrouve presque partout les horizons bleus des terres fertiles au centre desquelles s'étend ce petit désert. Le voisinage de ces terres combat l'insalubrité des landes, et si la végétation et le bétail y sont plus pâles et plus maigres que dans notre vallée, du moins ne sont-ils pas mourants comme dans les pays stériles d'une grande étendue. Ce désert, car il est à peine semé de quelques fermes et de quelques chaumières aujourd'hui, et à l'époque de mon récit il n'en comptait pas une seule, est appelé