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HISTOIRE DE MA VIE 335

à nous observer, à nous guérir nous-mêmes, à nous . ranimer quand noire enthousiasme s'éteint, à le réprimer quand il s'emporte au delà du possible? Cette règle, l'homme ne l'a pas encore trouvée ; voilà pourquoi je dis que nous vivons comme des aveugles, et que si les poètes ont mis un bandeau sur les yeux de l'Amour, les philo- sophes n'ont pas su le lui ôter. »

Ainsi parlait mon ami, et il mettait le doigt sur mes plaies; car toute ma vie j'ai élé le jouet des passions d'autrui, par conséquent leur victime. Pour ne parler que du commencement de ma vie, ma mère et ma grand'mère, avides de mon affection, s'arrachèrent les lambeaux de mon cœur. Ma bonne elle-même ne m'opprima et ne me maltraita que parce qu'elle m'aimait avec excès et me voulait parlaite, selon ses idées.

Dès les premiers jours du printemps, nous fîmes les paquets pour j-etourner à la campagne, j'en avais grand besoin. Soit trop de bien-être, soit l'air de Paris, qui ne m'a jamais convenu, je redevenais languissante et je mai- grissais à vue d'œil. II n'aurait pas fallu songer à me séparer de ma mère ; je crois qu'à cette époque, ne pou- vant avoir le sentimetit de la résignation et la volonté de l'obéissance, j'en serais morte. Ma bonne maman invita donc ma mère à revenir avec nous à Nohant, et comme je montrais à cet égard une inquiétude qui inquiétait les autres, il fut convenu que ma mère me conduirait avec elle et que Rose nuus accompagnerait, tandis que la grand'mère irait de son côté avec Julie. On avait vendu la grande berline et on ne l'avait encore remplacée, vu un peu de gêne dans les finances, que par une voiture à deux places.

Je n'ai point parlé dans ce qui précède de mon oncle Maréchal, ni de ^a femme, ma bonne tante Lucie, ni d? leur fille, ma chère Clolilde. Je ne me rappelle rien de