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Idée d'une loi morale réglementaire des affections. — Retour à Nohant.

— La Brande. — Bivouac dans une patache. — La maison de refuge.

— Année de bonheur. — Apogée de la puissance impériale. — Commencement de trahison. — Propos et calomnies des salons. — Première communion de mon frère. — Notre vieux curé ; sa gouver- nante ; ses sermons. — Son voleur; sa jument; sa mort. — Les méfaits de l'enfance. — Le faux Descharires. — La dévotion de ma raère. — J'apprends le français et le latin.

Je m'ennuyais beaucoup, et pourtant je n'étais pas encore malheureuse ; j'étais fort aimée, et ce n'est pas là ce qui m'a manqué dans ma vie. Je ne me plains donc pas de cette vie malgré toutes ses douleurs, car la plus grande doit être de ne point inspirer les affections qu'on éprouve. Mon malheur et ma destinée furent d'être blessée et déchirée précisément par l'excès de ces affections qui manquaient tantôt de clairvoyance ou de délicatesse, tantôt de justice ou de modération. Un de mes amis, homme d'une grande intelligence, faisait souvent une réflexion qui m'a toujours paru très-frappante, et il la développait ainsi ; « On a fait des règles et des lois morales pour corriger ou développer les in?linct.«, disait-il ; mais on n'en a point fait pour diriger et éclairer les sentiments. Nous avons des religions et des phiiosophies pour régler nos appétits et réprimer nos pas- sions ; les devoirs de l'âme nous sont bien enseignés d'une manière élémentaire ; mais l'âme a toutes sortes d'élans qui donnent toutes sortes de nuances et d'aspects parti- culiers à ses affections. Elle a des puissances qui dégé-

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