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328 HISTOIRE DE MA VIE

très-peu connue; elle vivait un peu à pari du reste de la famille, je n'ai jamais su pourquoi. On la disait mariée secrètement avec Barrère. Ce devait être une personne d'idées et d'aventures étranges, mais il régnait une sortj de mystère autour d'elle, et je suis si peu curieuse que je n'ai jamais songé à m'en enquérir.

Quant à M. et madame René de Villeneuve, j'en par- lerai plus tard, parce qu'ils sont liés plus directement à l'histoire de ma vie.

Auguste, frère de René, et trésorier de la ville de Paris, demeurait rue d'Anjou, dans un bel hôtel, avec ses trois enfants : Félicie, qui était un ange de beauté, de douceur et de bonté, et qui, phlhisique comme sa mère, est morte jeune en Italie, où elle avait épousé le comte Balbo (le même dont les écrits et les opinions très-modérément pro- gressifs ont fait quelque bru'*; en Piémont dans ces der- niers temps) ; Louis, qui est mort aussi au sortir de l'adolescence, et Léonce, qui a été préfet de l'Indre et du Loiret sous Louis -Philippe.

Celui-là aussi était un enfant d'une charmante figure, très-spirituel et très-railleur. Je me souviens d'un bal d'enfants que donna sa mère, c'est la première et la der- nière fois que je vis cette bonne et charmante Laure de Ségur pour qui mon père avait tant de respect et d'affec- tion. Elle portait une robe rose garnie de jacinthes, et me prit auprès d'elle sur le divan où elle était couchée, pour regarder tristement ma ressemblance avec mon père. Elle était pâle et brûlante de fièvre. Ses enfants ne pressen- taient nullement qu'elle fut à la veille de mourir. Léonce se moquait de toutes ces petites filles endimanchées. Les toilettes de ce temps-là étaient parfois bien singulières, et je ne crois pas que les gravures du temps nous les aient toutes transmises. Je n'ai du moins retrouvé nulle part une robe de réseau de laine rouge à grandes mailles, un