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HISTOIRE DE MA VIE 305

maîtresse, professa toujours un grand respect et un grand dévouement pour la seconde. Elles ont soigné ma grand' mère jusqu'à son dernier jour avec un zèle parfait; elles lui ont fermé les yeux. Je leur ai donc pardonné tous les ennuis et toutes les larmes qu'elles m'ont coùtéï', l'une par sa sollicitude féroce pour ma personne, l'autre par l'abus de son influence sur ma bonne maman.

Elles étaient donc dans ma chambre à chuchoter, et que de choses de ma famille j'ai sues par elles, que j'aurais bien aimé ne pas savoir sitôt ! et ce jour-là elles disaient (Julie) : « Voyez comme cette petite est folle d'adorer sa mère; sa mère ne l'aime point du tout. EII3 n'est pas venue une seule fois la voir depuis qu'elle est malade ! — Sa mère, disait Rose, elle est venue tous les jours savoir de ses nou- velles, mais elle n'a pas voulu monter, parce qu'elle est fâchée contre madame, à cause de Caroline. — C'est égal, reprenait Julie, elle aurait pu venir voir sa fille sans entrer chez madame; mais elle a dit à M. de Beaumont qu'elle avait peur d'attraper la rougeole. Elle craint pour sa peau. — Vous vous trompez, Julie, repartit Rose, ce n'est pas comme cela; c'est qu'elle a peur d'apporter la rougeole à Caroline; et pourquoi faudrait-il que ses deux filles fussent malades à la fois? C'est bien assez d'une, »

Cette explication me fit du bien et calma mon désir d'em- brasser ma mère. Elle vint le lendemain jusqu'à la porte de ma chambre, et me cria bonjour à travers. « Va-t-en, ma petite mère, lui dis-je, n'entre pas. Je ne veux pas envoyer ma rougeole à Caroline. » — «Voyez! dit ma mère à je ne sais quelle personne qui était avec elle, elle me con- naît bien, elle ! Elle ne m'accuse pas. On aura beau faire et beau dire, on ne l'empêchera pas de m'aimer. »

On voit d'après ces petites scènes d'intérieur, qu'il y avait autour de mes deux mères des gens qui leur redisaient tout et qui envenimaient leurs dissentiments. Mon pauvre