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HISTOIRE DE MA VIE 299

Aussitôt l'image de ma sœur se ranime dans ma mé- moire, je crois la voir telle qu'elle était dans îa rue Grange-Batelière et à Chaillot, grandelette, menue, douce, ."nodeste et obligeante, se faisant l'esclave de mes caprices, me chantant des chansons pour m'endormir, ou me ra- contant de belles histoires de fées. Je fonds en larmes et m'élance vers la porte ; mais il est trop tard, elle est partie; ma bonne pleure aussi et me reçoit dans ses bras, en me conjurant de cacher à ma grand'mère un chagrin qui l'irrite contre elle. Ma grand'mère me rappelle et veut me prendre sur ses genoux pour me calmer et me raison- ner ; je résiste, je fuis ses caresses et je me jette par terre dans un coin en criant : « Je veux retourner avec ma mère, je ne veux pas rester ici ! »

Mademoiselle Julie arrive à son tour et veut me faire en- tendre raison. Elle me parle de ma grand'mère que je rends malade, à ce qu'elle assure, et que je refuse de regarder. « Vous faites de la peine à votre bonne maman qui vous aime, qui vous chérit, qui ne vit que pour vous. » Mais je n'écoute rien, je redemande ma mère et ma sœur avec des cris de désespoir. J'étais si malade et si suffoquée qu'il ne fallut point songer à me faire dire bonsoir à ma bonne maman. On me mena coucher, et toute la nuit je ne fis que gémir et soupirer dans mon sommeil.

Sans doute ma grand'mère passa une mauvaise nuil aussi. J'ai si bien compris depuis combien elle était bonne et tendre, que je suis bien certaine maintenant de la peine qu'elle éprouvait quand elle se croyait forcée de faire de la peine f»ux autres ; mais sa dignité lui défendait de le faire paraître, et c'était par des soins et des gâteries dé- tournées qu'elle essayait de le faire oublier.

A mon réveil, je trouvai sur mon lit une poupée que j'avais beaucoup déàrée la veille, pour l'avoir vue avec ma mère dans un magasin de jouets, et dont j'avais fait