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HISTOIRE DE MA VIE 295

On ressemblait ainsi à une brioche ou à une gourde de pèlerin. Ajoutez à cette laideur le supplice d'avoir les che- veux plantés à contre-poil; il fallait huit jours d'atroces douleurs et d'insomnie avant qu'ils eussent pris ce pli forcé, et on les serrait si bien avec un cordon pour les y contrain- dre, qu'on avait la peau du front tirée et le coin des yeux relevé comme les figures d'éventail chinois.

Je me soumis aveuglément à ce supplice, quoiqu'il me fût absolument indifférent d'être laide ou belle, de suivre la (node ou de protester contre ses aberrations. Ma mère le voulait, je lui plaisais ainsi, je souffris avec un courage stoïque. Ma bonne maman me trouvait affreuse, elle était désespérée. Mais elle ne jugea point à propos de se quereller four si peu de chose, ma mère l'aidant d'ailleurs, autant qu'elle pouvait s'y plier, à me calmer dans mon exaltation pour elle.

Cela fut facile en apparence dans les commencements. Ma mère me faisant sorlir tous les jours et dînant ou passant la soirée très-souvent avec moi, je n'étais guère séparée d'elle que pendant le temps de mon sommeil ; mais une circonstance où ma chère bonne maman eut véritable- ment tort à mes yeux, vint bientôt ranimer ma préférence pour ma mère.

Caroline ne m'avait pas vue depuis mon départ pour l'Espagne, et il paraît que ma grand'mère avait fait une condition essentielle à ma mère de briser à jamais tout rapport entre ma sœur et moi. Pourquoi cette aversion pour une enfant pleine de candeur, élevée rigidement, et qui a été toute sa vie un modèle d'austérité? Je l'ignore, et ne peux m'en rendre compte même aujourd'hui. Du mo- ment que la mère était admise et acceptée, pourquoi la fille était-elle honnie et repoussce? Il y avait là un prcjugi-, une injustice inexplicable de la part d'une personne qui savait pourUmt s'élever au-dessus des préjugés de sou mondn