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HISTOIRE DE MA VIE 19

Qu'on n'attribue pas à la présomption ce coup d'œil jeté par moi sur les événements d'un passé encore débattu- dans l'opinion des contemporains. C'est le droit de tous, puisque cette In'stoire d'hier est déjà celle de chacun de nous. Pour moi, c'est celle de mon père, c'est la mienne par conséquent.

En relisant ses lettres, écrites sous l'impression irréflé- chie mais sincère du moment, je ne puis me défendre d'examiner et de juger à mon point de vue ce qu'il a jugé au sien.

Mon père n'avait pas la prétention d'être philosophe, malgré l'éducation philosophique qu'il avait reçue. 11 S3 croyait indifférent à toute religion, à toute doctrine, et comme tous les hommes de son âge, comme ceux de son époque surtout, il se laissait aller sans réflexion à la vie extérieure. Il est bien évident, néanmoins, qu'il avait, au fond de l'âme, une foi complète aux idées du christianisme progressif qui ont défrayé depuis lors les modernes écoles philosophiques.

Mon père est mort à trente ans : dans mes vagues sou- venirs comme dans le souvenir tendre et presque enthou- siaste de ses amis, il reste donc à l'état de jeun^ homme, et moi, qui me fais vieille, je vois en lui, par la mémoire et l'imagination, un enfant comme mon fils, lequel appro- che déjà de l'âge que mon père avait à la fin du consulat, quand je vins au monde. Je reçois pourtant encore, en lisant sa vie écrite par lui-même au jour le jour, dans ses entre- tiens familiers avec sa mère, les profonds enseignements qu'il m'eût don né 3 s'il etit vécu. Et pour les bien com- prendre, à travers le temps et la tombe qui nous séparent, je suis forcée de commenter tout ce qui s'agite en lui et autour de lui. Je le vois se résumer à son insu, à toutes les époques de sa vie qwi louchent à la vie générale, et ]<^ Gontre-coup qu'il en reçoit me paraît, à travers l'enjoué-