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278 HISTOIRE DE MA VIE

velle les proportions que nous avions rêvées, et j'ai besoin de me rappeler qu'eu montant sur ses premières assises, je pouvais en atteindre le sommet, j'ai besoin de voir le petit e/nplacement qu'elle occupait, et qui existe encore, pour ne pas me persuader encore aujourd'hui que c'était une caverne de montagne.

C'était du moins très-joli, je ne pourrai jamais me per- suader le contraire. Ce n'étaient que cailloux choisis ma- riant leurs vives couleurs, pierres couvertes de mousses fines et soyeuses, coquillages superbes, festons de Herre au-des- sous et gazons tout autour. Mais cela ne suffisait pas, il y fallait une source et une cascade ; car une grotte sans eau vive est un corps sans ànie. Or il n'y avait pas le moindre filet d'eau dans le petit bois. Mais ma mère ne s'arrêtait pas pour si peu. Une grande terrine à fond d'émail vert qui servait aux savonnages fut enterrée jusqu'aux bords dans l'intérieur de la grotte, bordée de plantes et de fleurs qui cachaient la polerie, et remplie d'une eau limpide que nous avions grand soin de renouveler tous les jours. Mais la cascade ? nous la demandions avec ardeur. « Demain vous aurez la cascade, dit ma mère, mais vous n'irez pas voir la grotte avant que je vous fasse appeler ; car il faut que la fée s'en mêle, et votre curiosité peut la contrarier. »

Nous observâmes religieusement cette prescription, et à l'heure dite ma mère vint nous chercher. Elle nous amena par le sentier de la grotte, nous défendit de regarder der- rière, et me mettant une petite baguette dans la main, elle frappa trois fois dans les siennes, me recommandant de frapper en même temps de ma baguette le centre de la grotte, qui présentait alors un orifice garni d'un tuyau de suï-eau. Au troisième coup de baguette, l'eau se précipitant dans le tuyau (il irruption si abondamment que nous fûmes inondées, Ursule et moi, à notre grande satisfaction et en poussant des cris de joie délirante. Puis la cascade tombant