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HISTOIRE DE MA VIE 277

qu'il respirait d'un air sérieux et recueilli. 11 avait même appris à ouvrir les portes qui ne fermaient qu'au loquet, d'après l'ancien système du pays, et comme il connaissait parfaitement tout le rez-de-chaussée, il cherchait toujours ma grand'mère, dont il savait bien qu'il recevrait quelque friandise. 11 lui était indifférent de faire rire; supérieur aux sarcasmes, il avait des airs de philosophe qui n'appar- tenaient qu'à lui. Sa seule faiblesse était le désœuvrement et l'ennui de la solitude qui en est la conséquence. Une nuit, ayant trouvé la porte du lavoir ouverte, il monta un escalier de sept ou huit marches, traversa la cuisine, le vestibule, souleva le loquet de deux ou trois pièces et arriva à la porte de la chambre à coucher de ma grand'- mère; mais trouvant là un verrou, il se mit à gratter du pied pour avertir de sa présence. Ne comprenant rien à ce bruit, et croyant qu'un voleur essayait de crocheter sa porte, ma grand'mère sonna sa femme de chambre, qui accourut snns lumière, vint à la porte, et tomba sur l'âne en jetant les hauts cris.

Mais ceci est une digression, je reviens à nos promenades. L'âne fut mis par nous en réquisition, et il apportait dans ses paniers une provision de pierres pour notre édifice. Ma mère choisissait les plus b;'lles on les plus bizarres, et quand les matériaux furent rassemblés elle commença à bâtir de- vant nous avec ses petites mains fortes et diligentes, non pas une maison, non pas un château, mais une grotte en rocaille.

Une grotte ! nous n'avions aucune idée de cela. La nôtre n'atteignit guère que quatre ou cinq pieds de haut et deux ou trois do profondeur ; mais la dimension n'est rien pour les enfants, ils ont la faculté de voir en grand, et comme l'ouvrage dura quelques jours, pendant quelques jours nous crùn)es que notre rocaille allait s'élever jusqu'aux nues. Quand elle fu erminée, elle avait acquis dans notre cer- "• 16