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18 HISTOIRE DE MA VIE

lions parlementaires durent lui causer un profond dégoût. C'e:?t sous l'empire de ce dégoût, in-itant pour un esprit prompt et net, qu'il imagina le mode du vote pour le consulat à vie. Il comprit très-bien que l'assentiment officiel des nombreuses signatures sur un registre tue l'esprit de parti, mais il dut comprendre aussi plus tard que ce mode peut tuer l'esprit public et créer des millions de parjures. Le vote de chaque individu n'est pas le vote de tous. La vérilable adhésion des masses n'existe qu'à la condition du contact des hommes réunis en assemblée, s'éprouvant, s'interrogeant, .^e livrant les uns aux autres, s'engagcant par la publicité des débals et pouvant échapper par là aux influences étroites de la famille et aux sugges- tions passagères de l'intérêt personnel.

Quand ces intérêts égoïstes se trouvèrent compromis par les malheurs publics, chacun de ces signataires empressés se crut libre de trahir et la patrie et l'homme qui, à la fin de sa carrière, redevenait la personnification véritable de la patrie, comme il l'avait été au commencement. Si Napoléon eût voulu ou pu créer une véritable représenta- tion, je crois fermement qu'elle lui eût été plus fidèle, car elle l'eût préservé de l'ivresse du pouvoir sans entraver la marche providentielle de son génie. Le chef actuel de l'État i l'a bien compris, et a résolu plus habilement le problème posé à toutes les usurpations, quand elles se voient furcées de consulter la nation. Seulement, comme ce qui n'est qu'un compromis entre la conscience et la nécessité n'est qu'un leurre, et qu'un leurre ne saurait durer longtemps, la fausse représentation constitutionnelle de la France pourra bien être un jour aussi ingrate envers son fondateur que le fut la représentation naïvement asscr ¥16 de l'Empire.

1. Louis-Philippe. Ceci est écrit en 1847.