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HISTOIRE DE MA VIE 259

petit cadre, et j'en vins à pouvoir lire seule un conte de tées.

Quel plaisir ce fut pour moi qui les avais tant aimés et à qui ma pauvre mère n'en faisait plus, depuis que le chagrin pesait sur elle! Je trouvai à Nohant les contes de madame d'Aulnoy et de Perrault dans une vieille édition qui a fait mes délices pendant cinq ou six années. Ah! quelles heures m'ont fait passer VOiseau bleu, le Petit Poucet, Peau d Ane, Belle- Belle ou le Chevalier fortuné, Serpentin vert, Babiole, et la Souris bienfaisante I Je ne les ai jamais relus depuis, mais je pourrais tous les raconter d'un bout à l'autre, et je ne crois pas que rien puisse être comparé' dans la suite de notre vie intellectuelle, à ces premières jouissances de l'imagination.

Je commençais aussi à lire moi-même mon Abrégé de Mythologie grecque, et j'y prenais grand plaisir; car cela ressemble aux contes de fées par certains côtés. Mais il y en avait d'autres qui me plaisaient moins; dans tous ces mythes, les symboles sont sanglants au milieu de leur poésie, et j'aimais mieux les dénoûments heureux de mes contes. Pourtant les nymphes, les zéphirs, l'écho, toutes ces personnifications des riants mystères de la nature tournaient mon cerveau vers la poésie, et je n'étais pas encore assez esprit fort pour ne pas espérer parfois de surprendre les napées et les dryades dans les bois et dans les prairies.

11 y avait dans notre chambre un papier de tenture qui m'occupait beaucoup. Le fond était vert foncé uni, très- épais, vomi, et tendu sur toile. Cette manière d'isoler les papiers de la muraille assurait aux souris un libre par- cours, et il se passait, le soir, derrière ce papier, des scènes de l'autre monde, des courses échevelées, des grat- tements furtifs et de petits cris fort mystérieux.. Mais ce n'était pas là ce qui m'occupait le plus. C'était la bordure