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258 HISTOIRE DE MA VIE

dans la crainte qu'on ne me défendît de me gâter la main à cet exercice. Je vins biemôt à bout de me faire une or- thographe à mon usage. Elle était très-simplifiée et char- gée d'hiéroglyphes. Ma grand'mère surprit une de ces lettres et la trouva très-drôle. Elle prétendit que c'était merveille de voir comme j'avais réussi à exprimer mes petites idées avec ces moyens barbares, et elle conseilla à ma mère de m.e laisser griffonner seule tant que je vou- drais. Elle disait avec raison qu'on perd beaucoup de temps à vouloir donner une belle écriture aux enfants, et que pendant ce temps-là ils ne songent point à quoi sert l'écriture. Je fus donc livrée à mes propres recherches, et |uand les pages de devoir étaient finies, je revenais à mon système naturel. Longtemps j'écrivis en lettres d'imprime- rie, comme celles que je voyais dans les livres, et je ne me rappelle pas comment j'arrivai à employer l'écriture de tout le monde, mais ce que je me rappelle, c'est que je fis comme ma mère, qui apprenait l'orlhographe en fai- sant attention à la manière dont les mots imprimés étaient composés. Je comptais les lettres, et je ne sais par quel instinct j'appris de moi-même les règles principale-^. Lors- que, plus tard, Descharlres m'enseigna la grammaire, ce fut l'affaire de deux ou trois mois; car chaque leçon n'était que la confirmation de ce que j'avais observé et appliqué déjà.

A sept ou huit ans, je mettais donc l'orthographe, non pas très-correctement, cela ne m'est jamais arrivé, mais aussi bien que la majorité des Français qui l'ont apprise.

Ce fut en apprenant seule à écrire que je parvins à comprendre ce que je lisais. C'est ce travail qui me força à m'en rendre compte; car j'avais su lire avant de pou- voir comprendre la plupart des mots et de saisir le sens des phrases. Chaque jour cette révélation agrandit son