Page:Sand - Histoire de ma vie - tome 2.djvu/264

Cette page n’a pas encore été corrigée

&4 HISTOIRE DE MA VIE

besoin d'être aimée, et les moindres attentions la trouvaient

sensible et reconnaissante.

Combien de fois je lui ai entendu dire en parlant de ma mère : « Elle a de la grandeur dans le caractère. Elle est charmante. Elle a un maintien parfait. Elle est généreuse et donnerait sa cheniise aux pauvres. Elle est libérale comme une grande dame et simple comme un enfant. » Mais dans d'aulres moments, se rappelant toutes ses jalousies maternelles, et les sentant survivre à l'objet qui les avait causées, elle disait : « C'est un démon, c'est une folle. Elle n'a jamais été aimée de mon fils, elle le dominait, elle le rendait malheureux. Elle ne le regrette pas. » Et mille autres plaintes qui n'étaient pas fondées, mais qui la soulageaient d'une secrète et incurable amertume.

Ma mère agissait absolument de même. Quand le temps était au beau entre elles, elle disait : « C'est une femme supérieure. Elle est encore belle comme un ange; elle sait tout. EUeest si douce et si bien élevée qu'il n'y a jamais moyen de se fâcher avec elle, et si elle vous dit quelque- fois une parole qui pique, au moment où la colère vous prend, elle vous en dit une autre qui vous donne envie de l'embrasser. Si on pouvait la débarrasser de ses vieilles comtesses, elle serait adorable. »

Mais quand l'orage grondait dans l'âme impétueuse de ma mère, c'était tout autre chose. La vieille belle- mère était une prude et une hy|0crite. Elle était sèche et sans pitié. Elle était encroûtée dans ses idées de l'an- cien régime, etc. Et alors malheur aux vieilles aniios qui avaient causé une altercation domestique par leurs propos et leurs réflexions! Les vieilles comtesses c'étaient les bêtes de l'Apocalypse pour ma mère, et elle les habil- lait de la tête aux pieds avec une verve et une causticité qui faisaient rire ma grand'mère elle-njênie, malgré qu'elle en eût.