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HISTUIRE DE MA VIE 239

iiiser ; luai^ elle était trop têtue natLirellement pour avoir besoin qu'on lui fit la leçon. Elle me résista on ne |eut mieux, et quand je voulus jouer des mains et des griffes, elle répondait des pieds et des dents. Elle a gardé souvenir d'une formidable bataille à laquelle nous nous défiâmes- un jour. Il paraît que nous avions une querelle sérieuse à vider, et comme nous ne voulions céder nil'une ni l'autre, nous convînmes de nous battre du mieux qu'il nous serait possible. L'affaire fut assez chaude et il y eut des marques de part et d'autre ; je ne sais qui fut la plus forte, mais le dîner étant servi sur ces entrefaites, il nous fallait com- paraître et nous craignions également d'être grondées. Nous étions seules dans la chambre de ma mère ; nous nous hâtâmes de nous laver la figure pour effacer quelques petites gouttes de sang; nous nous arrangeâmes les cheveux l'une àl'auire, et nous eûmes même de l'obligeance mutuelle dans ce commun danger. Enfin, nous descendîmes l'escalier en nous demandant l'une à l'autre s'il n'y paraissait plus. La rancune s'était effacée, et Ursule me proposa de nous réconcilier et de nous embrasser, ce que nous fîmes de bon cœur, comme deux vieux soldats après une affaire d'honneur. Je ne sais pas si ce fut la dernière entre nous, mais il est certain que, soit dans la paix, soit dans la guerre, nous vécûmes dès lors sur le pied de l'égalité, et que nous nous aimions tant que nous ne pouvions vivre un instant séparées. Ursule mangeait à notre table, comme elle y a toujours mangé depuis. Elle couchait dans notre chambre et souvent avec moi dans le grand lit. Ma mère l'aimait beaucoup, et, quand elle avait la migraine, elle était soulagée par les petites mains fraîchrs qu'Ursule pas.sait sur son front bien longtemps^ et bien doucL^ment, J'étais un peu jalouse de ces soins qu'elle lui rendait, mais soit animation au jeu, soit un reste de disposition fébrile, j'avais toujours les mains brûlantes et j'empirais la migraine.