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dès lors contracté d'effroyables douleurs de tête qu'elle a conservées pendant plus de vingt ans, et qui, presque toutes les semaines, la forçaient à se coucher pendant vingt- quatre heures.

11 faut que je dise ici, pour ne pas l'oublier, une chose qui me revient et que je liens à dire, parce qu'on en a fait contre ma mère un sujet d'accusation qui est resté jusqu'à ce jour dans l'esprit de plusieurs personnes. 11 paraît que le jour de la mort de mon père, ma mère s'est écriée : « Et moi qui étais jalouse ! à présent, je ne le serai donc plus. » Celte parole était profonde dans sa douleur ; elle exprimait un regret amer du temps où elle se livrait à des peines chimériques, et une comparaison avec le milheur réel qui lui apportait une si horrible guérison. Soit Deschartres, qui jamais ne put se réconcilier franche- ment avec elle, soit quelque domestique mal intentionné, cette parole fut répétée et dénaturée. Ma mère aurait dit avec un accent de satisfaction monstrueuse : « Enfin je ne serai donc plus jalouse ! » Cela est si absurde, pris dans une pareille acception et dans un jour de désespoir si violent, que je ne comprends pas que des gens d'esprit aient pu s'y tromper. Il n'y a pourtant pas longtemps* que M. de Yitrolles, ancien ami de mon père, et l'homme le plus homme de l'ancien parti légitimiste, le racontait dans ce sens à un de mes amis. J'en demande pardon à M. de VitroUes, mais on l'a indignement trompé, et la conscience humaine se révolte contre de pareilles interprétations. J'ai vu le désespoir de ma mère, et ces scènes-là ne s'oublient point.

Je reviens à moi après celte digression. Ma grand'mèro, s'inquiétant toujours de mon isolement, me che^rcha une compagne de mon âge. Mademoiselle Julie, sa femme de

1. 1848