Page:Sand - Histoire de ma vie - tome 2.djvu/244

Cette page n’a pas encore été corrigée

234 HISTOIRE DE MA VIE

bien te voir ?» La pauvre femme ne voulait pas me détrom- per complètement. Elle me disait seulement que nous resterions bien longtcm.ps comme cela à l'attendre, et elle défendait aux domestiques de me rien expliquer, IMle avait au plus haut point le respect de l'enfance, que l'on met trop de côté dans des éducations plus complètes et plus savantes.

Cependant la maison était plongée dans une morne tris- tesse et le village aussi, car personne n'avait connu mon père sans l'aimer. Sa mort répandit une véritable conster- nation dans le pays, et les gens mêmes qui ne le connais- saient que de vue furent vivement affectés de cette catas- trophe.

Hippolyte fut très-ébranlé par un spectacle qu'on ne lui avait pas dérobé avec autant de soin qu'on l'avait fait pour moi. Il avait déjà neuf ans, et il ne savait pas encore que mon [ère était le sien. Il eut beaucoup de chagrin, mais à son chagrin l'image de la mort mêla une sorte de terreur, et il ne faisait que pleurer et crier la nuit. Les domestiques confondant leurs superstitions et leurs regrets, prétendaient avoir vu mon père se promener dans la maison après sa mort. La vieille femme de Saint-Jean affirmait avec serment l'avoir vu à minuit traverser le corridor et descendre l'esca- li'r. Il avait son grand uniforme, disait-elle, et il marchait le,niement?ans paraître voir personne. Il avait passé auprès d'elle sans la regarder et sans lui parler. Un autre l'avait vu dans l'antichambre de l'appartement de ma mère. C'était Alors une grande salle nue, destinée ta un billard, et où il n'y avait qu'une table et quelques chaises. En traversant cette pièce le soir, une servante l'avait vu assis, les coudes appuyés sur la labb; et la tête dans ses mains. Il est certain que quelque voleur domestique profita ou essaya de profiler des terreurs de nos gens, car un fantôme blanc erra dans la <jour pendant plusieurs nuits. Hippolyte le vit et en fut