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impétueuse bclle-fille un langage si grave, que ccllc-cl en clait souvent effrayée. Elle la grondait même, toujours dans une forme douce et mesurée, mais avec une certaine froi- deur qui l'humiliait et la réduisait sans la guérir.

Ce soir-là elle réusssit à la mater complètement en lui disant que si elle tourmentait ainsi Maurice, Maurice se dégoûterait d'elle, et chercherait peut-ê;re alors hors de !^on intérieur le bonheur qu'elle en aurait chassé. Ma mère pleura, et, après quelques révoltes, se soumit pourtant et promit de se coucher tranquillement, de ne pas aller atten- dre son mari sur la route, enfin de ne pas se rendre mala- de, elle qui avait été récemment éprouvée par tant de fatigue et de chagrin. Elle avait encore beaucoup de lait, elle pou- vait, au milieu de ses agitations morales, faire une mala- die, éprouver des accidents qui lui ôteraient tout d'un coup la beauté et les apparences de la jeunesse. Cette dernière considération la frappa plus que toute la philosophie de ma grand'mère. Elle céda à cet argument. Elle voulait être belle pour plaire à son mari. Elle se coucha et s'endormit comme une personne raisonnable. Pauvre femme, quel réveil l'attendait !

Vers minuit, ma grand'mère commençait pourtant à s'inquiéter sans en rien dire à Deschartres, avec qui elle prolongeait sa partie de piquet, voulant embrasser son fi!s avant de s'endormir. Enfin minuit sonna, et elle était retirée dans sa chambre, lorsqu'il lui sembla entendre d;ins la mai- son un mouvement inusité. On agissait avec précaution pour- tant, et Deschartres, appelé par Saint-Jean, était sorti avec le moins de bruit possible; mais quelques portes ouvertes, un cer- tain embarras de la femme de chambre qui avait vu appeler Deschartres sans savoir de quoi il s'agissait, mais qui, à la physionomie de Saint-Jean, avait pressenti quelque chose de grave, et, plus que tout cela, l'inquiétude déjà éprouvée, précipitèrent l'épouvante de ma grand'mère, La nuit était