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14 HISTOIR DE MA VIE

l'empereur un tyran et un impie. Avec le concordat, loi ou lard la restauration monarchique devenait imminente» inévitable. Bonaparte, qui venait d'appliquer sa vive et mo- bile capacité à étudier les canons et les lois de l'Eglise, ne se rendit pas compte de l'esprit de l'Église. 11 étonna mon- signor Caprara par son érudiiion improvisée, par sa facilité à retenir la lettre des institutions ecclésiastiques; mais le légat s'aperçut bien qu'il n'en pénétrait pas le sens, et le terrible ergoteur fut joué par le prélat timide et têtu. L'Église acheva de perdre, il est vrai, dans cette lutte la véritable notion et la véritable force de son pouvoir spi- rituel. Elle s'en dédommagea en empiétant sur le pouvoir tenjporel dans sa pensée, et grâce à sa secrète persistance, grâce aux fautes de Napoléon, elle devint, après la chute de ce grand homme, le véritable pouvoir temporel de la France.

Robespierre, dan.s sa rapide et informe ébauche d'une société nouvelle, avait du moins évité cet écueil. 11 avait rêvé un instant la concentration du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel dans un symbole unique; il avait jeté comme première base de son système une pierre, brute comme une pierre druidique; mais sur cette pierre, parla suite des temps et le développement des idées, un temple pouvait s'élever qui réunirait dans son sein et la religion et la société dans une indivisible unité. Je suppose que Robespierre et Saint-Just eussent vécu quelques années di>. plus, et que leur système eût dominé, la France aurait eu un culte que chaque année aurait épuré. Le Christ n'eût certainement pas été exclu de ces honneurs rendus à la Divinité, puisque la Révolution l'avait déjà qualifié de sans- culotte Jésus, expression grossière et cependant profonde qui révélait un sentiment énergique de la vérité.

Ni Robespierre ni Saint-Just pourtant n'étaient les hommes capables de mener bien loin une œuvre si grande.