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22â HISTOIRE DE MA VIE

vait fait deviner effectivement ce qui devait me sauver.

Il est certaia que je fus promptemcnt guérie et que je n'ai jamais fait d'autre maladie. Je ne sais si la gale est en eflet, comme le disaient nos soldats, un brevet de santé, mais il est certain que toute ma vie j'ai pu soigner des maladies réputées contagieuses, et de pauvres galeux dont personne n'osait approcher, sans que j'aie attrapé un bou- lon. Il me semble que je soignerais impunément des pes- tiférés, et je pense qu'à quelque chose malheur est bon, moralement du moins, car je n'ai jamais vu de misères physiques dont je n'aie pu vaincre en moi le dégoût. Ce dégoût est violent cependant, et j'ai été bien souvent près de m'évanouir en voyant des plaies et des opérations re- poussantes, mais j'ai toujours pensé alors à ma gale et au premier baiser de ma grand'mère, et il est certain que la volonté et la foi peuvent dominer les sens, quelque affectés qu'ils soient.

Mais tandis que je reprenais à vue d'œil, mon pauvre |ictit frère Louis dépérissait rapidement. La gale avait dis- paru, mai? la fièvre le rongeait. Il était livide, et ses lauvres yeux éteints avaient une expression de tristesse indicible. Je commençai à l'aimer en le voyant souffrir. Jusque-là je n'avais pas fait grande attention à lui, mais quand il était étendu sur les genoux de ma mère, si lan- guissant et si faible qu'elle osait à peine le toucher, je devenais triste avec elle et je comprenais vaguement Tin- quiétude, la chose que les enfants sont le moins portés à ressentir.

Ma mère s'attribuait le dépérissement de son enfant. Elle craignait que son lait ne lui fût un poison, et elle s'effor- çait de reprendre de la santé pour lui en donner. Elle passait toutes ses journées au grand air, avec l'enfant cou- ché à l'ombre auprès d'elle dans des coussins et des châles bien arrangés. Deschartres lui conseilla de feire beaucoup