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HISTOIRh DE MA VIE 219

me mettaût dans les bras de ma grand'mère : <i Figure- toi, lui dit-il, que ces enfants ont une petite éruption de boutons, et que Sophie, qui a l'imagination très-frappre, s'imagine qu'ils ont la gale.

— Gale ou non, dit ma grand'mère en me serrant co:ilie son rœur, je me charge de celui-là. Je vois bien que ces enfants sont malades, ils ont la fièvre très-fort tous les deux. Ma fille, allez vite vous reposer avec votre fils, car vous avez fait là une campagne au-dessus des forces hu- maines; moi, je soignerai la petite. C'est trop de deux en- fants sur les bras dans l'état oîi vous êtes.

Elle m'emporta dans sa chambre, et sans aucun dégoût de l'état horrible où j'étais, cette excellente femme, si déli- cate et si recherchée cependant, me déposa sur son lit. Ce lit et cette chambre, encore frais à cette époque, me firent l'effet d'un paradis. Les murs étaient tendus de toile de Perse à grands ramages, tous les meubles étaient du temps de Louis XV. Le lit, en forme de corbillard avec de grands panaches aux quatre coins, avait de doubles rideaux et une quantité de lambrequins découpés, d'oreillers et de garni- turcs dont le luxe et la finesse m'étonnèrent. Je n'osais m'installer dans un si bel endroit, car je me rendais compte du dégoût que je devais inspirer, et j'en avais déjà ressenti l'humiliation. Mais on me la fit vite oublier par les soins et les caresses dont je fus l'objet. La première figure que je vis après celle de ma grand'mère, fut un gros gar- çon de neuf ans qui entra avec un énorme bouquet di; fleurs, et qui vint me le jeter à la figure d'un air amical et enjoué. Ma grand'mère me dit : « Cest Hippo'.yte, em- brassez-vous, mes enfants. » Nous nous embrassâmes sans en demander davantage et je passai bien des années avec lui sans savoir qu'il était mon frère; c'était l'enfant do lu petite maison.

Mon nère le prit par le bras et le conduisit à ma mère,