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12 HISTOIRE DE MA VIE

les pouvoirs, qu'ils s'appellent république, empire ou

monarchie.

Par un concile, l'Église irritée pouvait se suicider il est vrai, à cette époque. Où eût été le mal, si elle eût prouvé à l'univers qu'aucune étincelle de vie ne couvait plus dans son sein? Mais elle pouvait aussi se relever, retrouver la généreuse impulsion que grand nombre de ses ministres avaient subie en France aux premières heures de la révo- lution. Elle pouvait se renouveler, se retremper dans la justice et la vérité pour des siècles encore. Chateaubriand n'allait-il pas surgir pour l'orner des guirlandes de la poésie? N'y avait-il pas des érudits, des philosophes, des poètes, voire des mystiques, de par le monde, de grands hérétiques et de grands saints, qui fussent sortis de la foule où ils sont restés étouffés et inconnus, et qui eussent éclairé toutes les faces des questions vitales soule- vées par la conscience publique?

D'ailleurs, avait-elle été condamnée avec justice et clair- voyance, cette religion qui était encore alors la révélation absolue pour quelques-uns, et qui est, pour beaucoup aujourd'hui, une série de révélations successives attendant leur aeveloppement et leur continuation? Non. Elle avait été condanmée sans être jugée, elle avait été emportée dans une tourmente, et c'est ce qui donne encore une grande autorité à ce qu'elle a de vrai, une grande in- fluence à ce qu'elle a de faux. C'était une raison de plus pour ne pas la rétablir sans la soumettre à un examen libre et concluant, à moins que la pensée secrète de Bona- parte ne fût, comme on pourrait encore se l'imaginer, de l'exposer à de nouveaux outrages en la couronnant de fleurs, et de l'embaumer pour la tombe. Une pensée aussi ambiguë que celle de Bonaparte à cet égard donne lieu à plus d'une hypothèse, et c'est ce qui la condamne. Le mouvement qui avait corté Robespierre à rétablir une