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HISTOIRE DE MA VIE 207

mère étendue sur une chaise longue. Un jour on m'en- voya jouer sur la terrasse et on ferma les portes vitrées de l'appartement ; je n'entendis f as la moindre plainte ; ma mère supportait très-couragousemeut le mal physique et mettait ses enfants au monde très-promptement ; pour- tant cette fois elle souffrit plusieurs heures, mais on ne m'éloigaa d'elle que peu d'instants, après lesquels mon père m'appela et me montra un petit enfant. J'y fis à peine attention. Ma mère était étendue sur un canapé, elle avait la figure si pâle et les traits tellement contractés, que j'hésitai à la reconnaître. Puis, je fus pri>e d'un grand effroi et je courus Tembrasser en pleurant. Je voulais qu'elle me parlât, qu'elle répondît à mes caresses, et comme 011 m'éloignait encore pour lui laisser du repos, je me dé- solai longiemps, croyant qu'elle allait mourir et qu'on vou- lait me le cacher. Je retournai pleurer sur la terrasse, et on ne put m'inlércsser au nouveau-né. Ce pauvre petit garçon avait des yeux d'un bleu clair fort singulier. Au bout de quelques jours, ma mère se tourmenta de la pâltur de ses prunelles, et j'entendis souvent mon père et d'autres personnes prononcer avec anxiété le mol cristallin. Enfin au bout d'une quinzaine, il n'y avait plus à en douter, l'enfant était aveugle. On ne voulut pas le dire à ma mère positivement. On la laissa dans une sorte de doute. On émettait timidement devant elle l'espérance que ce cristallin se reformerait dans l'œil de l'enfant. Elle se laissa consoler, et le pauvre infirme fut aimé et choyé avec autant de joie que si son existence n'eût pas été un malheur pour lui et pour les siens. Ma mère le nourris- sait, et il n'avait guère que deux semaines lorsqu'il fallut se remeltre en route pour la France à travers l'Espagne en feu