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2U6 HISTOIRE DE MA VIE

la terrasse. 11 n'y avait plus à reculer ; je lui demandai où était le quelqu'un qui répétait toutes mes paroles, et elle me dit : C'est l'écho.

Bien heureusement pour moi, elle ne m'expliqua pas ce que c'était que l'écho. Elle n'avait peut-être jamais songé à s'en rendre compte ; elle me dit que c'était une voix qui était- dans l'air, et l'inconnu garda pour moi sa poésie. Pendant plusieurs autres jours, je pus continuer à jeter mes pa- roles au vent. Celte voix de l'air ne m'étonnait plus, mais me charmait encore ; j'étais satisfaite de pouvoir lui donner un nom, et de lui crier : Écho, es-tu là ? M'entends-lu ? Bonjour, écho !

Tandis que la vie de l'imagination est si développée chez les enfants, la vie du sentiment est-elle plus tardive? Je ne me souviens pas d'avoir songé à ma sœur, à ma bonne tante, à Pierret ou à ma chère Clotilde durant mon si^jour à Madrid. J'étais pourtant déjà capable d'aimer, puisque j'avais déjà une si vive tendresse pour certaines poupées et pour certains animaux. Je crois que l'indiftcrence avec laquelle les enfants quittent les personnes qui leur sont chères tient à l'iiïjpossibililé oij ils sont d'apprécier la durée du temps. Quand on leur parle d'un an d'absence, ils ne savent pas si un an est beaucoup plus long qu'un jour, et on leur établirait inulilement la différence par des chilfrcs. Je crois que les chiiTres ne disent rien du tout à leur esprit. Lorsque ma mère me parlait de ma sœur, il me semblait que je l'avais quittée la veille, et pourtant le temps me semblait long. Il y a dans le défaut d'équilibre des facultés de l'enfant mille contradictions qu'il nous est difficile d'expliquer après que l'équilibre est établi.

Je crois que la vie du sentiment ne se révéla en moi qu'au moment où ma mère accoucha à Madrid. On m'a- vait bien annoncé l'arrivée prochaine d'un petit frère ou d'une petite sœur, et depuis plusieurs jours je voyais ma