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204 HISTOIRE DE MA VIE

je fermais les yeux. Quand Vorblutc est bien complète, elle vous représente exacîement la forme de l'objet an'i l'a causée ; c'est une sorte de mirage. Je voyais donc le globe et la croix de feu se dessiner partout où se portaient mes regards, et je m'étonne d'avoir tant répété impunément ce jeu assez dangereux pour les j'eux d'un enfant. Mais je dé- couvris bientôt sur la terrasse un autre phénomène, dont jusque-là je n'avais eu aucune idée. La place était souvent déserte, et, même en plein jour, un morne silence régnait dans le palais et aux environs. Un jour, ce silence m'ef- fraya, et j'appelai Weber que je vis passer sur la place. Wcbcr ne m'entendit pas, mais une voix toute semblable à la mienne répéta le nom de Weber à l'extrémité du balcon.

Colle voix me rassura, je n'étais plus seule ; mais cu- rieuse de savoir qui s'amusait à me contrefaire, je rentrai dans l'appartement, croyant y trouver quelqu'un. J'y étais absolument seule comme à l'ordinaire. Je revins sur la terrasse, et j'appelai ma mère; la voix répéta le mot d'une voix tics-douce, mais très-nette, et cela me donna beau- coup à penser. Je grossis ma voix, j'appelai mon propre nom, qui me fut rendu aussitôt, mais plus confusément. Je le répétai sur un ton plus faible, et la voix revint faible, mais plus distincte, et comme si l'on me parlait à l'oreille. Je n'y comprenais rien, j'étais persuadée que quelqu'un élaii avec moi sur la terrasse ; mais ne voyant personne, et regardant vainement à toutes les fenêtres qui étaient fermées, j'étudiai ce prodige avec un plaisir ex- trême. L'impression la plus étrange pour moi était d'en- tendre mon propre nom nîpété avec ma propre voix. Alors il me vint à l'esprit une explication bizarre. C'est que j'étais double, et (pi'il y avait autour de moi un autre moi que je ne pouvais pas voir, mais qui me voyait toujours, puisqu'il me répondait toujours. Cela s'arrangea aussitôt dans ma