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HISTOIRE DE MA VIE


ma propre existence prit pour moi-même une apparence merveilleuse.

J'avais déjà vu Murât à Paris ; j'avais joué avec ses enfants, mais je n'avais gardé de lui aucun souvenir. Probablement je l'avais vu en babit comme tout le monde; à Madrid, tout doré et empanaché, comme il m'apparut, il me fit une grande impression. On l'appelait le prince, et, comme dans les drames féeriques et les contes, les princes jouent toujours le premier rôle, je crus voir le fameux prince Fanfarinet. Je l'appelai même ainsi tout naturellement, sans me douter que je lui adressais une épi- gramme. Ma mère eut beaucoup de peine à m'empêcher de lui faire entendre ce maudit nom, que je pronoçnais toujours en l'apercevant dans les galeries du palais. On m'babitua à l'appeler mon prince en lui parlant, et il me prit en grande amitié.

Peut-être avait-il exprimé quelque déplaisir de voir un de ses aides de camp lui amener femme et enfants au milieu des terribles circonstances où il se trouvait, et peut- être voulait-on que tout cela prît à ses yeux un aspect mi- litaire. Il esl certain que toutes les fois qu'on me présenta devant lui, on me fit endosser l'unifurme. Cet uniforme était une merveille. 11 est resté longtemps chez nous après que j'ai été trop grande pour le porter. Ainsi je peux m'en souvenir minutieusement. Il consisiait en un dolman de Casimir blanc tout galonné et boutonné d'or fin, une pe- lisse pareille garnie de fourrure noire et jetée sur l'épaule, et un pantalon de Casimir amarante avec des ornements et broderies d'or à la bongroise. J'avais aussi les bottes de maroquin rouge à éperons dorés, le sabre, le ceinturon de ganses de soie cramoisi à canons et aiguillettes d'or émaillés, la sabrelache avec un aigle brodé en perles fines, rien n'y manquait. En me voyant équipée absolument comme mon père, soit qu'il me prît pour un garçon, soit qu'il voulût