Page:Sand - Histoire de ma vie - tome 2.djvu/204

Cette page n’a pas encore été corrigée

194 HISTOIRE DE MA VIE

toutes deux me parurent très-brunes et assez laides, du moins c'est l'impression qui m'en est restée. Elles avaient l'air triste et inquiet. Dans mon souvenir, elles n'avaient ni suite ni escorte. Elles fuyaient plutôt qu'elles ne partaient, et j'entendis ensuite ma mère, qui disait d'un ton d'insou- ciance: « C'est encore une reine qui se sauve. » Ces pauvres reines sauvaient en effet leurs personnes, en lais- sant l'Espagne livrée à l'étranger. Elles allaient à Bayonne chercher auprès de Napoléon une protection qui ne leur manqua point en tant que sécurité malérielle, mais qui fui le sceau de leur déchéance politique. On sait que cette reine d'Étrurie était fille de Charles IV et infante d'Espa- gne. Elle avait épousé son cousin, le fils du vieux duc de Parme. Napoléon, voulant s'emparer du duché, avait donné en retour aux jeunes époux la Toscane avec le titre de royaume. Ils étaient venus à Paris en 1801 rendre hom- mage au premier consul, et ils y avaient été reçus avec de grandes fêles. On sait aussi que la jeune reine, ayant abdiqué au nom de son fils, était revenue à Ma.lrid au commencement de 1804 pour prendre possession du nou- veau royaume de Lusitanie, que la victoire devait lui assurer dans le nord du Portugal. Mais tout était désor- mais remis en question, grâce à l'impuissance politique de Charles IV et au peu de loyauté de cette politique dirigée par le prince de la Paix. Nous allions nous engjiger dans cette formidable guerre contre la nation espagnole, qui no"« arrivait comme par un décret de la fatalité et qui devait imposer spontanément à Napoléon la nécessité de s'emparer de toutes ces royales personnes, au moment où d'elles-mêmes elles venaient implorer son appui. La reine d'Étrurie et ses enfants suivirent le vieux Cliarloa TV, <a reine Marie-Louise et le prince de la Paix à Compiègne.

Lorsque je vis cette reine, elle était déjà sous h prolec- tion française. Étrange protection qui l'arrachait à l'amour