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dant que nous traversions l’Espagne pour nous y rendre. Mon père était arrivé à Bayonne le 27 février. Il écrivait quelques lignes des environs de Madrid, le 18 mars, à ma mère, et c’est vers cette époque que j’ai dû voir l’empereur à Paris, à son retour de Venise et avant son départ pour Bayonne; car quand je le vis, le soleil baissait et me venait dans les yeux, et nous rentrions chez nous pour dîner. Quand nous quittâmes Paris, il ne faisait pas chaud ; mais à peine fûmes-nous en Espagne que la chaleur nous accabla. Si j’avais été à Madrid pendant l’événement du 2 mai, une pareille catastrophe m’eût sans doute vivement frappée, puisque je me rappelle de bien moindres circonstances.

En voici une qui me fixe presque, c’est la rencontre que nous fîmes vers Burgos, ou vers Vittoria, d’une reine qui ne pouvait être que la reine d’Étrurie. Or, l’on sait que le départ de cette princesse fut la première cause du mouvement du 2 mai à Madrid. Nous la rencontrâmes probablement peu de jours après, comme elle se dirigeait sur Bayonne, où le roi Charles IV l’a] pelait afin de réunir toute sa famille sous la serre de l’aigle impériale.

Comme cette rencontre me frappa beaucoup, je puis la raconter avec quelques détails. Je ne saurais dire en quel lieu c’était, sinon que c’était dans une sorte de village où nous nous étions arrêtées pour dîner. Il y avait dans l’auberge un relais de poste, et, au fond de la cour, un assez grand jardin où je vis des tournesols qui me rappelèrent ceux de Chaillot. Et pour la première fois je vis recueillir la graine de cette plante, et l’on me dit qu’elle était bonne à manger. Il y avait dans un coin de celte même cour une pie en cage, et celte pie parlait, ce qui fut pour moi un autre sujet d’étonnement. Elle disait en espagnol quelque chose qui signifiait probablement mort aux Français, on peut-être mort à Godoy. Je n’entendais distinctement que