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HISTOIRE DE MA VIE 183

Il l'civait retrouvée chez ma grand'mère en fouillant dans une armoire, el, se rappelant combien ce jouet lui avait plu, il me l'avait apportée. C'était une petite Vénus en bis- cuit de Sèvres portant deux colombes dans ses mains. Elle était montée sur un piédestal, lequel tenait à un petit pla- teau ovale doublé d'une glace et entouré de découpures de cuivre doré. Dans cette garniture se trouvaient des tuiipes qui servaient de chandeliers, et quand on y allumait de petites bougies, la glace, qui ligurait im bassin d'eau vive, reflétait les lumières, et la statue, et les jolis ornements dorés de la garniture. C'était pour moi tout un monde en- chanté que ce joujou, et, quand ma mère m'avait raconté pour la dixième fois le charmant conte de Gracieuse et Percinet, je me mettais à composer en imagination des paysages ou des jardins magiques, dont je croyais saisir la répétition dans un lac. Où les enfants trouvent-ils la vision des choses qu'ils n'ont jamais vues?

Lorsque nos paquets pour le voyage en Espagne furent terminés, j'avais une poupée chérie qu'on m'eût sans dente laissée emporter. Mais ce ne fut pas mon idée. 11 me sembla qu'elle se casserait ou qu'on me la prendrait si je ne la laissais dans ma chambre, et après l'avoir déshabillée et lui avoir fait une toilette de nuit fort recherchée, je la couchai dans mon petit lit et j'arrangeai les couvertures avec beaucoup de soin. Au moment de partir, je courus lui donner un dernier regard, et comme Pierret me promettait de venir lui faire manger la soupe tous les matins, je commençai à tomber dans l'état de do'ite où sont les en- fants sur la réalité de ces sortes d'êtres. État vraiment sin- gulier où la raison naissante, d'une part, et le besoin d'il- lusion, de l'autre, se combattent dans leur cœur avide d'amour maternel. Je pris les deux mains de ma poupée et je les lui joignis sur la poitrine. Pierret m'observa que c'était l'atlitude d'une morte. Alors j(^ lui élevai les mains