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182 HISTOIRE DE iMA VIE

qu'on leur donne pour jouet, et dont on los accuse à toi't de se d( goûter trop vite. Il est tout simple, au contrains qu'ils s'en dégoûtent. En les brisant, ils protestent contre le mensonge. Un instant ils ont cru trouver la vie dans cet être muet qui bientôt leur montre ses muscles de fil de lai- ton, ses membres difformes, son cerveau vide, ses entrailles d^ son ou de filasse. Et le voilà qui souffre l'examen, qu^ se ^0Llmet à l'autopsie, qui tombe lourdement au moindre ohof: et se brise d'une façon ridicule. Comment l'enfant aurait-il pitié de cet être qui n'excite que son mépris? Plus il l'a admiré dans sa fraîcheur et dans sa nouveauté, plus il le dédaigne quand il a surpris le secret de son inertie et de sa fragilité.

J'ai aimé à casser les poupées, et les faux chats, et les faux chions, et lesfaux petits hommes, tout comme les autres enfants. Mais il y a eu par exception certaines poupées que j'ai soignées comme de vrais enfunts. Quand j'avais dés- habillé la petite personne, si je voyais ses bras vaciller sur les épingles qui les retenaient aux épaules et ses mains de bois se détacher de ses bras, je ne pouvais me faire aucune illusion sur son compte et je la sacrifiais vite aux jeux im- pétueux et belliqueux; mais si elle était solide et bien faile, si elle résistait aux premières épreuves, si elle ne se cassait pas le nez à sa première chute, si ses yeux d'émail avaient une espèce de regard dans mon imagination, elle devenait ma fille, je lui rendais des soins infinis et je la faisais res- pecter des autres enfants avec une jalousie incroyable.

J'avais aussi d(!S jouets de prédilection, un entre autres que je n'ai jamais oublié et qui s'est perdu à mon grand regret, car je ne l'ai pas brisé, et il se peut qu'il fût effec- tivement aussi joli qu'il me le paraît dans uies souvenirs.

Celait une pièce de surtout de table assez ancienne, car elle avait servi de jouet à mon père dans son enfance, lo surtout entier n'existant plus apparemment à cette époque,