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XII

Intérieur de mes parents. — Mon ami Pierret. — Départ pour l'Espagne. — Les poupées. — Les Asturies. — Les liserons et les ours. — La tache de sang. — Les pigeons. — La pie parlante.

Tous mes souvenirs d'eniànce sont bien puérils,, comme l'on voit, mais si chacun de mes lecteurs fait un retour sur lui-même en me lisant, s'il se retrace avec plaisir les premières émotions de sa vie, s'il se sent redevenir en- fant pendant une heure, ni lui ni moi n'aurons perdu notre temps ; car l'enfance est bonne, candide, et les meilleurs êtres sont ceux qui gardent le plus ou qui perdent le moins de cette candeur et de cette sensibilité primitives.

J'ai très-peu de souvenir de mon père avant la cam- pagne d'Espagne. Il était si souvent absent que je dus le perdre de vue pendant de longs intervalles. Il a pourtant passé auprès de nous l'hiver de 1807 à 1808, car je me rappelle vaguement de tranquilles dîners à la lumière, et un plat de friandise, à coup sûr fort modeste, car il consis- tait en vermicelle cuit dans du lait sucré, que mon père faisait semblant de vouloir manger tout entier pour s'a- muser de ma gourmandise désappointée. Je me rappelle aussi qu'il faisait, avec sa serviette, nouée et roulée de diverses nianicres, des figures de moine, de lapin et de pantin qui me faisaient, beaucoup rire. Je crois qu'il m'eût horriblement gâtée, car ma mère était forcée de s'inter- poser entre nous pour qu'il n'encourageât pas tous mes