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HISTOIRE DE MA VIE 165

gr.nd !o!t; mais les brusquer trop en est un pire, et la contrainte provoque souvent chez elles de véritables attaques de nerfs, bien que les nerfs ne fussent pas en jeu sérieu- sement au commencement de l'épreuve.

Ma mère n'avait point cette cruauté : quand nous passions devant la pompe à feu, voyant que je pâlissais et ne pou- vais plus me soutenir, elle me mettait dans les bras du bon Pierret. Il cachait ma tête dans sa poitrine, et j'étais rassurée par la confiance qu'il m'inspirait. Il vaut mieux trouver au mal moral un remède moral, que de forcer la nature et d'essayer d'apporter au mal physique une épreuve physique plus pénible encore.

C'est dans la rue Grange-Batelière que j'eus entre les mains un vieux abrégé de mytliologie que je possède encore et qui est accompagné de grandes planches gra- vées, les plus comiques qui se puissent imaginer. Quand je me rappelle l'intérêt et l'admiration avec lesquels je contemplais ces images grotesques, il me semble encore les voir telles qu'elles m'apparaissaieut alors. Sans lire le texte, j'appris bien vite, grâce aux images, les principales données de la fabulation antique, et cela m'intéressait pro- digieusement. On me menait quelquefois anx ombres chi- noises de l'éternel Séraphin et aux pièces féeriques du bou- levard. Enfin ma mère et ma sœur me racontaient les contes de Perrault, et quand ils étaient épuisés, elles ne se gênaient pas pour en inventer de nouveaux qui ne me paraissaient pas les moins jolis de tous. Avec cela, on me parlait du paradis et on me régalait de ce qu'il y avait de plus fraisât de plus joli dans l'allégorie catholique-, si bien que les anges et les amours, la bonne Vierge et la bonne lée, les polichinelles et les magiciens, les diablotins du théâtre et les saints de l'Eglise "je confondant dans ma cervelle, y produisaient le plus étrange gâchis poétiqua qu'on puisse imaginer.