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162 HISTOIRE DE MA VIE

d'avoir eu peur du diable. Je pense que je n'y croyais pas et qu'on m'empêchait d'y croire, car j'avais l'imagination très-impressionnable et je m'effrayais facilement.

On me fit présent, une fois, d'un superbe polichinelle, tout brillant d'or et d'écarlate. J'en eus peur d'abord, surtout à cause de ma poupée, que je chérissais tendre- ment et que je me figurais en grand danger auprès de ce petit monstre. Je la serrai précieusement dans l'armoire, et je consentis à jouer avec polichinelle; ses yeux d'émail qui tournaient dans leurs orbites au moyen d'un ressort, le plaçaient pour moi dans une sorte de milieu entre le carton et la vie. Au moment de me coucher, on voulut le serrer dans l'armoire auprès de la poupée, mais je ne voulus jamais y consentir, et on céda à ma fantaisie, qui était de le laisser dormir sur le poêle : car il y avait un petit poêle dans notre chambre, qui était plus que modeste, et dont je vois encore les panneaux peints à la colle et la forme en carré long. Un détail que je me rappelle aussi, bien que depuis l'âge de quatre ans je ne sois jamais rentrée dans cet appartement, c'est que l'alcôve était un cabinet fermé par des portes à grillage de laiton sur un fond de toile verte. Sauf une antichambre qui servait de salle à manger et une petite cuisine, il n'y avait pas d'autres pièces que cette chambre à coucher, qui servait de salon pendant le jour. Mon petit lit était placé le soir en dehors de l'alcôve, et quand ma sœur, qui était alors en pension, couchait à la maison, on lui arrangeait un canapé à côté de moi. C'était un canapé vert en velours d'Ulrecht. Tout cela m'est encore présent, quoiqu'il ne me soit rien arrivé de remar- quable dans cet appartement: mais il faut croire que mon esprit s'y ouvrait à un travail soutenu sur lui-même, car il me semble que tous ces objets sont remplis de mes rêveries, et que je les ai usés à force de les voir. J'avais un amusement particulier avant de m'endorniir, c'était de