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158 HISTOIRE DE MA VIE

donner, et c'est là le mystère qui tient à l'essence de la \ie dans l'homme.

L'enfant vit tout naturellement dans un milieu pour ainsi dire surnaturel, oîi tout est prodige en lui, et où tout ce qui est en deliors de lui doit, à la première vue, lui sem- bler prodigieux. On ne lui rend pas service en hâtant sans ménagement^ et sans discernement l'appréciation de toutes les choses qui le frappent. 11 est bon qu'il la cherche lui- même et qu'il l'établisse à sa manière durant la période de sa vie où, à la place de son innocente erreur, nos expli- cations, hors de portée pour lui, le jetteraient dans des er- reurs plus grandes encore, et peut-être à janjais funestes à la droiture de son jugement, et, par suite, à la moralité de son âme.

Ainsi on aura beau chercher quelle première notion de la Divinité on pourra donner aux enfants, on n'en trou- vera pas une meilleure pour eux que l'existence de ce vieux bon Dieu qui est au ciel, et qui voit tout ce qui se fait sur la terre. Plus tard il sera temps de leur faire comprendre que Dieu est l'être infini, sans figure idolâ- trique, et que le ciel n'est pas plus la voûte bleue qui nous enveloppe que la terre où nous vivons et que le sanctuaire même de notre pensée. Mais à quoi bon essayer de faire percer le symbole à l'enfant, pour qui tout symbole est une réalité? Cet éiher infini, cet abîme de la création, ce ciel enfin où gravitent les mondes, l'enfant le voit plus beau et plus grand que nos définitions ne retendraient dans sa pensée, et nous le rendrions plus fou que sage si nous voulions lui faire concevoir la mécanique de l'uni- vers, alors que le sentiment de la beauté de l'univers lui suffit.

La vie de l'individu n'est-elle pas le résumé de la vie collective^ Quiconque observe le développcMuont do l'enfant, le passage à l'adolescence, à la virilité, et toutes nos Irans-