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m HISTOIRE DE MA VIE

hélas ! quand la fatigue des marches et le bruil des ba- lailles cessent un instant pour moi, je suis la proie de mille tourmenis, toutes les furies de la passion viennent m'ob- ièàer. J'épruuve toutes les angoisses, toutes les faiblesses de l'amour. Oh ! oui, chère femme, je t'aime comme le premier jour. Ah ! que nos enfants te parlent de moi sans cesse. Ne te promène qu'avec eux. Qu'ils te retracent à toute heure nos serments et notre union. Parle-leur de moi aussi. Je ne vis que pour toi, pour eux et pour ma mère.

Ici le printemps et le lieu que nous occupons me rap- pellent le Fayel. Mais, hélas ! Boulogne est bien loin, et ce triste château me laisse tout entier à mes regrets. En y arrivant je l'ai trouvé absolument désert, tout le monde était parti avec le prince pour Elbing, où s'est passée la fameuse revue de l'empereur. Le prince commandait et m'a fait courir de la belle manière. Adieu, chère femme. On parle beaucoup de la paix, rien n'annonce la reprise des hostilités. Ah ! quand serai-je près de toi ! Je te presse mille fois dans mes bras avec tous nos enfants; pense à ton

mari, à ton amant.

Maurice.

Que mon Aurore est gentille de penser à moi et de savoir déjà l'en parler !

Après avoir suivi la marche de la division Dupont, suivons celle de Murât, puisque c'est l'histoire de mon père, dans cette courte et brillante campagne. — Au mois de mai 1807, Murât était à la tête de dix-huit mille cavaliers, montés sur les plus beaux chevaux de l'Allemagne et parfaitement exercés. Napoléon, voulant voir ce corps de cavalerie tout entier, le passa en revue dans les plaines d'Elbing. « Ces » dix-huit mille cavaliers, masse énorme mue par un seul » chef, le prince Murât, avaient manœuvré devant lui