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HISTOIRE DE MA VIE

Toute religion qui n’admet pas la loi du progrès dans riiunianité, ou, si l’on veut, la révélation successive ; toute loi prétendue divine qui établit qu’à un certain moment de la vie de l’humanité, Dieu a dit aux hommes son dernier mot, doit fatalement être engloutie sous ses propres ruines, aussi bien que toute loi humaine qui s’impose aux hommes comme le dernier mot de leur propre sagesse.

Cette vérité a passé dans la pratique de la législation ; la politique conservatrice, le gouvernement constitutionnel y ont puisé leur principe vital tout aussi bien que l’esprit révolutionnaire. Chaque année, chaque séance des corps qui légilerent les sociétés constitutionnelles voient abroger, modifier, exhumer ou créer des lois selon les besoins ou les craintes du moment. Ce principe est désormais indestructible. L’application en serait excellente si les sociétés avaient une représentation véritable.

Les religions n’ayant pas suivi cette doctrine, et ayant, au contraire, proclamé le principe d’immobilité, qui entraîne celui d’intolérance, les nations logiques et sincères ont rejeté toute religion et se sont trouvées pour un instant plongées dans l’athéisme. Le scepticisme douloureux ou indifférent a succédé à cette protestation désespérée. La politique s’est avisée alors d’une distinction subtile, mais irrationnelle et illusoire, celle du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. La politique était forcée d’en venir là dans de certains moments pour ne pas laisser entraver sa marche par les foudres de l’Église et pour ne pas briser trop brusquement l’arche sainte du passé. On conçoit qu’à l’heure qu’il est i, il serait bien difficile au roi des Français et à ses ministres, encore plus dilTicile aux Chambres qui sont censées nous représenter, de discuter entre eux les articles de notre foi et de faire avec le chef de l’Église

1. 1847.