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124 HISTOIRE DE MA VIE

rien au monde, excepté l'honneur et le devoir, ne peut me retenir loin de toi, que je suis au milieu des fatigues et des privations de toute espèce, et qu'elles ne me pa- raissent rien en comparaison de celle que me cause ton absence. Songe que l'espoir seul de te retrouver me sou- tient et m'attache à la vie.

Adieu, chère femme, je tombe de fatigue. J'ai un lit pour cette nuit. D'ici à longtemps je n'en trouverai plus et je vais en profiter pour rêver de toi. Adieu donc, chère Sophie, je t'écrirai de Dourlach, si je peux. Reçois mille tendres baisers et donnes-en pour moi tout autant à Au- rore. Sois sans inquiétude, je sais faire mon métier, je suis heureux à la guerre; le brevet et la croix m'attendent.

P. S. Où as-tu pris qu'on payait double en temps de guerre? C'est plus que le contraire, car il n'est pas seule- ment question de l'arrivée du payeur. Cependant, comme nous n'avons pas de mer à traverser et qu'il viendra tôt ou tard, ne crains rien pour moi et ne me garde rien de l'argent que ma mère aura à te remettre. Écris-lui pour la prévenir de ton arrivée à Paris.

Je vais essayer de faire suivre rapidement à mon lecteur la marche de la division Dupont, et par conséquent celle de mon père pendant cette mémorable campagne qui allait aboutir à la bataille d'Austerlitz.

Le 25 septembre le 6^ corps, dont elle faisait partie, passa le Rhin entre Lauterbourg et Carlsruhe et vint jus- qu'à Stuttgard, après avoir traversé les vallées qui descen- dent de la chaîne des Alpes de Souabe. Le 6 octobre, nos six corps d'armée étaient arrivés sans accidents au delà de cetts chaîne. Le 7, ils passèrent le Danube. Mais le corps de Ney fut laissé sur la rive gauche, couvrant la roule de