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HISTOIRE DE MA VIE 123

nous donner du travail, el, du traiti dont on nous mène, je ne crois pas qu'on nous lais-e le temps de penser à mal.

Je n'irai point à Strasbourg et ne verrai ni ***, ni ■^**, ni ***, qui ne sont point gens à fréquenter les coups de fusil. Depuis que je t'ai quitlée, je n'ai pas eu un seul moment de repos. Il y a six nuits que je n'ai dormi et huit jours que je n'ai pu me déshabiller. Toujours en avant pour les logemen(s, j'en ai une extinction de voix. Je te demande si c'est dans cet équipage, el quand je te porte tout entière dans mon cœur, que je puis penser à aller faire l'agréable auprès des belles des villages que nous traversons en poste. Ce serait bien plutôt à moi d'être inquiet si je ne croyais pas à ton amour, si je n'en connaissais pas toute la délicatesse. Ah! si je me mettais à être jaloux, je le serais même d'un regard de tes yeux, et pour un rien je deviendrais le plus malheureux des hommes ; mais loin de moi cette injure à notre amour ! J'ai reçu, ma chère femme, ta lettre de Sarrebourg. Elle est aimable comme toi, elle m'a rendu la vie et le courage. Que notre Aurore est gentille! Que tu me donnes d'impa- tience de revenir pour vous serrer toutes deux dans mes bras! Je t'en conjure, chère amie, donne-moi souvent de tes nouvelles. Adresse-moi tes lettres : A Monsieur Diipin, aide de camp du général Dupont commandant la première division du sixième corps sous les ordres du maréchal Netj. » De cette manière, quelque mouvement que fasse l'armée, je les recevrai. Songe, chère femme, que c'est le seul plai- sir que je puisse goûter loin de toi, au milieu des fatigues de cette campagne.

Parle-moi de ton amour, de notre enfant. Songe que tu m'arracherais la vie si tu cessais de m'aimer. Songe que tu es ma femme, que je t'adore, que je n'aime l'existence que pour toi, et que je t'ai consacré la mienne. Songe que