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HISTOIRE DE MA VIE

cas de guerre prochaine, elle oublierait vite ses griefs et ne se préoccuperait guère des questions religieuses.

Ce concordat si vanté est une des plus fatales déviations de la glorieuse carrière de Napoléon. C’est lui qui a tout naturellement préparé le despotisme hypocrite de la Restauration.

C’est un acte purement politique, car le premier consul ne croyait pas à la religion catholique et refusait de consacrer religieusement son mariage avec Joséphine dans li moment où il ouvrait les portes de la cathédrale de Paris au légat du pape.

Il n’y a pas de plus grande profanation d’une chose respectable que de l’imposer aux autres sans.se l’imposer à soi-même. C’est en faire un jouet, c’est mépriser à la fois la croyance qu’on décrète et l’humanité à qui on la fait accepter. C’est cet éternel mensonge proclamé par les athées, qu’il faut aux femmes, aux enfants, au peuple, une religion dont on ne veut pas pour soi-même. Bonaparte se laissa persuader ou imposer ce mensonge.

Certes, il faut une religion non-seulement au peuple, aux enfants, aux femmes, aux simples de cœur et d’esprit, mais il en faut une à tous les hommes, aux chefs de nations, aux sociétés, aux républiques comme aux monarchies.

Il y a plus, il faut un culte public et des lois qui fassent respecter ce que la conscience des peuples proclame comme la plus haute expression de leur vie intellectuelle et morale.

Mais il faut que cette religion s’établisse par la foi et non par la contrainte ; par le libre examen et non par la raison d’État. Aucun homme n’a le droit de l’imposer à son semblable avant qu’il l’ait comprise et acceptée librement. Aucun législateur n’a le droit de la rétablir quand la société l’a repoussée et brisée.