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118 HISTOIRE DE MA VIE

d'en faire d'avantageuses. Celait bien là le fond du carac- tère de mon père, et, sous ce rapport, jamais époux ne furent mieux assortis, lis ne se trouvaient heureux que dans leur petit ménage. Partout ailleurs ils étouffaient de mélancoliques bâillements, et ils m'ont légué rette secrète sauvagerie qui m'a rendu toujours le monde insupportable et le home nécessaire.

Toutes les démarches que mon père avait faites, avec beaucoup de tiédeur, il faut l'avouer, n'aboutirent à rien. 11 avait eu mille fois raison de le dire, il n'était pas fait pour gagner ses éperons en temps de paix, et les campagnes d'antichambre ne lui réussissaient pas. La guerre seule pouvait le faire sortir de l'impasse de l'état-major.

Il retourna au camp de Monlreuil avec Dupont. Ma mère l'y suivit au printemps de 1803, et y passa deux ou trois mois au plus, durant lesquels ma tante Lucie prit soin de ma sœur et de moi. Cette sœur, dont j'aurai à parler plus tard et dont j'ai déjà signalé l'existence, n'était pas fille de mon père. Elle avait cinq ou six ans de plus que moi et s'appelait Caroline. Ma bonne petite tante Lucie avait, je l'ai dit, épousé M. Maréchal, officier retraité, dans le même temps que ma mère épousait mon père. Une fille était née de leur union cinq ou six mois après ma nais- sance. C'est ma chère cousine Clotilde, la meilleure amie peut-être que j'aie jamais eue. Ma tante demeurait alors à Chaillot, où mon oncle avait acheté une petite maison, alors en pleine campagne, et qui serait aujourd'hui en pleine ville. Elle louait pour nous promener l'âne d'un jar- dinier du voisinage. On nous mettait sur du foin dans les paniers destinés à porter les fruits et les légumes au mar- ché, Caroline dans l'un, Clotilde et moi dans l'autre. Il paraît que nous goûtions fort « cette façon d'aller, »

Pendant ce temps-là, l'empereur Napoléon, occupé d'autres eoins et s'amusant à d'autres chevauchées, s'en allait en