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HISTOIRE DE MA VIE H5

instant. — Oui, elle est très-fraîche et très-forte, dit ma grand'mère en cherchant sa bonbonnière. Et tout aussitôt la bonne femme, qui jouait fort bien son rôle, me déposa sur les genoux de la bonne maman, qui m'offrit des friandises et commença à me regarder avec une sorte d'étonnement et d'émotion. Tout à coup elle me repoussa en s'écriant : « Vous me trompez, cette enfant n'est pas à vous; ce n'est pas à vous qu'elle ressemble!.... Je sais, je sais ce que c'est!... »

Effrayée du mouvement qui me chassait du sein mater- nel, il paraît que je me mis non à crier, mais à pleurer de vraies larmes qui firent beaucoup d'effet. « Viens, mon pauvre cher amour, dit la portière en me reprenant, on ne veut pas de toi, allons-nous-en. »

Ma pauvre bonne maman fut vaincue. « Rendez-la-moi, dit-elle. Pauvre enfant, tout cela n'est pas sa faute! Et qui a apporté cette petite? — Monsieur votre fils lui-même, madame; il attend en bas, je vais lui reporter sa fille. Pardonnez-moi si je vous ai offensée; je ne savais rien, je ne sais rien, moi ! J'ai cru vous faire plaisir, vous faire une belle surprise... — Allez, allez, ma chère, je ne vous en veux pas, dit ma grand'mère; allez chercher mon fils et laissez-moi l'enfant. »

Mon père monta les escaliers quatre à quatre. 11 me trouva sur les genoux, contre le sein de ma bonne maman, qui pleurait en s'efforçant de me faire rire. On ne m'a pas raconté ce qui se passa entre eux, et comme je n'avais que huit ou neuf mois, il est probable que je n'en tins pas note. 11 est probable aussi qu'ils pleurèrent ensemble et s'aimèrent d'autant plus. Ma mère, qui m'a raconté cette première aventure de ma vie, m'a dit que lorsque mon père me ramena auprès d'elle, j'avais dans les mains une belle bague avec un gros rubis, que ma bonne ma- man avait détachée de son doigt en me chargeant de la