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112 HISTOIRE DE MA VIE

Marmontel avait certainement droit à sa reconnaissance. Mais, dans un autre endroit, l'auteur des Incas raconte avec moins de réserve ses relations avec mademoiselle Ver- rière. Bien qu'il y parle avec estime et affection de la con- duite, du caractère et du talent de cette jeune actrice, il entre dans des détails d'intimité qui nécessairement devaient faire souffrir sa fille. Celle-ci en écrivit donc à mon père pour l'engager à voir s'il ne serait pas possible de faire supprimer le passage dans les nouvelles éditions. L'oncle Beaumont fut consulté. Il était également intéressé à l'af- faire, puisque dans ce même passage Marmontel raconte coiimie quoi ayant été cause que le maréchal de Saxe avait retiré à mademoi.^elle Yerrière la pension de douze mille livres qu'il lui faisait pour elle et sa fille, cette belle per- sonne en fut dédommagée par le prince de Turenne, sous promesse, de la part de Marmontel, de ne plus la voir. Or, l'oncle Beaumont était, comme je l'ai déjà dit, fils de niade moiselle Verrière et de ce prince de Turenne duc de Bouil- lon. Cependant il prit la chose moins au sérieux.

« Beaumont assure, écrivait mon père à ma grand'mère, » que cela ne mérite pas le chagrin que tu t'en fais. D'abord » nous ne sommes pas assez riches, que je sache, pour » racheter l'édition publiée et pour obtenir que la prochaine n soit corrigée ; fussions-nous à même de le faire, cela T. donnerait d'autant plus de piquant aux exemplaires ven- » dus, et tôt ou tard nous ne pourrions empêcher qu'on » ne refit de nouvelles éditions conformes aux premières. » Les héritiers de Marmontel consentiraient-ils d'ailleurs à » cet arrangement avec les éditeurs? J'en doute, et nous » ne sommes plus au temps oîi Ton pouvait sévir, soit par » promesses, soit par menaces, soit par des lettres de cachet, » contre la liberté d'écrire. On ne donne plus des coups de » bâton à ces faquins d'auteurs et d'imprimeurs; et toi, ma » bonne mère, qui dès ce temps-là étais du parti des ency-